Cette fois, c’est du sérieux puisque tous les signes concordent : alignement planétaire, retour de la mystérieuse planète Nibiru, inversion des pôles magnétiques de la Terre et, surtout, prédiction maya ; la fin du monde est pour le 21 décembre 2012. Sans doute à sept heures.
Voir l’entrevue de Louise Paradis par Jean-François Lisée sur Planète Terre
Cette date circule depuis plus de 20 ans dans la littérature nouvel âge (voir l’encadré ci-dessous) et a servi de prétexte à un film catastrophe encore plus catastrophiste que les précédents et dont le titre dit tout : 2012. Dans la bande annonce où se succèdent les scènes de dévastation, une voix grave nous apprend que « les Mayas l’avaient prédit ».
« La mesure du temps est l’une des grandes caractéristiques des civilisations préhispaniques de l’Amérique centrale, affirme Louise Paradis, professeure au Département d’anthropologie de l’Université de Montréal et spécialiste des civilisations méso-américaines. Chez les Mayas et les Aztèques, c’est même devenu une véritable obsession qui allait bien au-delà des simples calculs utiles pour l’agriculture. Les Mayas connaissaient le zéro et leurs manuscrits sont remplis de calculs concernant les éclipses, les cycles des planètes, les corrections du cycle solaire, etc. »
Leur obsession pour le temps et leur passion pour les calculs les ont même amenés à établir jusqu’à la quatrième décimale la durée de l’année. Les données actuelles indiquent une durée de 365,2422 jours alors que les Mayas l’établissaient à 365,2420, ce qui est légèrement plus précis que le calendrier grégorien, qui l’avait estimée à 365,2425 jours.
Une affaire de savants
Les Mayas ont-ils pour autant prédit la fin du monde pour 2012 ? Il faut d’abord savoir que ce qu’on appelle le « calendrier maya » est extrêmement complexe et n’a rien à voir avec un calendrier saisonnier ou celui de la vie quotidienne. « C’était une affaire de savants et il servait à des fins divinatoires et rituelles », précise l’ethnologue.
Ce calendrier se compose de deux cycles dont le principal représente une période de 365 jours. Mais ce qui équivaudrait au quantième et au mois de nos dates est déterminé par deux autres cycles constitués de 20 périodes de 13 jours, soit 260 jours.
Si l’on visualise ces cycles comme des roues d’engrenage où la date apparait à la jonction des trois roues (voir l’illustration ci-dessous), le retour d’une même date survient tous les 52 ans. « À la fin d’un cycle de 52 ans, la peur s’installe, on ne sait pas si le temps va se poursuivre, on éteint les feux, on craint des désastres et l’on procède à des sacrifices humains, mentionne la professeure. Ce fait est bien connu chez les Aztèques, mais on ne sait pas très bien ce qu’il en était chez les Mayas. »
Précisons que la civilisation maya s’est développée entre le 3e et le 9e siècle sur le territoire qui correspond au Yucatán et au Guatemala, alors que les Aztèques, venus de l’ouest du Mexique, se sont établis à Mexico au 14e siècle. Les Mayas étaient dans leur déclin lorsque les Espagnols sont arrivés, au 16e siècle.
Pour dater les évènements mythologiques se produisant sur une période plus longue que 52 ans, les Mayas ont élaboré un autre cycle correspondant à 1 845 000 jours, soit 5127 ans. Cette période aurait débuté le 13 aout 3114 avant notre ère (d’autres calculs parviennent au 10 aout 3113). « Cette date est leur année zéro à partir de laquelle ils comptaient les années, mais rien n’indique qu’il s’agissait pour eux de la création du monde, signale Louise Paradis. C’était sans doute un cycle qui se répète. »
C’est la fin de ce cycle long qui nous conduit à la date fatidique du 21 décembre 2012 (selon d’autres calculs, ce serait le 28 octobre 2011 ou encore quelque part en l’an 2220). Quoi qu’il en soit, « aucun codex maya ne dit que la fin du cycle long signifiait pour eux la fin du monde, souligne de nouveau la professeure. La fin de ce cycle devait en annoncer un autre. »
Des stèles font d’ailleurs état d’évènements mythiques se déroulant sur des échelles de 5, 60 et même 90 millions d’années ! Donc, pas de description apocalyptique au terme des 5127 années, même si les prêtres mayas devaient sans doute redouter ce moment.
Pourquoi les fins apocalyptiques ?
La crainte que le temps finisse au terme d’un cycle où tout serait détruit se retrouve dans presque toutes les cultures, que ce soit chez les Romains, qui éteignaient les feux aux fins de siècles, chez les Babyloniens avec le déluge, chez les chrétiens avec l’Apocalypse, chez les Hindous avec la destruction du monde par Shiva ou chez les millénaristes et les catastrophistes d’aujourd’hui. Pourquoi l’esprit humain voit-il les choses ainsi alors que de tels évènements n’ont jamais été observés ?
« C’est peut-être une production culturelle découlant de la mesure du temps, avance l’anthropologue. Le fait de compter le temps a un effet structurel qui nous amène à entrevoir une fin. Il pourrait aussi s’agir d’une projection de la croyance en un cycle de mort et de renaissance par lequel passeraient les êtres humains. »
Louise Paradis ne s’offusque pas de cette nouvelle vague catastrophiste ; elle y trouve même un bon côté : « Je suis ravie de l’intérêt que cela suscite pour la culture maya ! » déclare-t-elle.